La télémédecine en santé au travail : une pratique innovante mise en œuvre par l’ARIMS.

  • Principe de la télémédecine en santé au travail :

La télémédecine est une forme de pratique médicale à distance utilisant les technologies de l’information et de la communication.

Elle met en rapport, entre eux ou avec un patient, un ou plusieurs professionnels de santé, parmi lesquels figurent nécessairement un professionnel médical et, le cas échéant, d’autres professionnels apportant leurs soins (ou compétences) au patient. En matière de médecine de prévention, le concept est le même hormis le fait qu’il s’agit d’actions de prévention et non de soins, et qu’il s’agit d’un agent public qui n’est pas, à proprement parler, un « patient ».

Dans un contexte de raréfaction continue, depuis plus de dix ans, de la ressource médicale en santé au travail, cette pratique présente un intérêt majeur pour remédier aux difficultés de recrutements de médecins du travail dans la fonction publique, particulièrement pour certains secteurs géographiques où les médecins disponibles sont très peu nombreux. Elle n’a pas pour objectif de remplacer les actes médicaux présentiels (où le médecin et l’agent sont physiquement présents simultanément dans les mêmes locaux) mais elle leur est complémentaire. Elle ne se substitue pas aux pratiques médicales plus habituelles, mais peut constituer une réponse aux défis auxquels est actuellement confrontée l’offre de prévention.

La pratique de la télémédecine implique les mêmes exigences de qualité et de sécurité que pour des actes classiques. Elle permet notamment d’assurer un suivi à visée préventive et d’effectuer une surveillance de l’état de santé des agents publics.

En matière légale et réglementaire, l’article 78 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 dite « HPST » (hôpital, patients, santé et territoires) a défini pour la première fois la télémédecine (art. L. 6316-1 du code de la santé publique). Des actes de télémédecine ont ensuite été définis par le décret n° 2010-1229 du 19 octobre 2010, ainsi que leurs conditions de mise en œuvre. D‘autres textes et guides de bonnes pratiques (loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, Guide de la Haute autorité de santé [HAS], Politique générale de sécurité des systèmes d’information de santé [PGSSI-S], etc.) sont venus encadrer cette pratique médicale pour assurer la qualité et la sécurité des soins et des échanges.

Le recours à la télémédecine en santé au travail dans la fonction publique de l’État a été officialisé par le décret n° 2020-647 du 27 mai 2020, qui a ajouté à l’article 10 du décret n° 82-453 du 28 mai 1982 un alinéa rédigé comme suit : « Les professionnels de santé au travail mentionnés au présent décret peuvent recourir, pour l’exercice de leurs missions, à des pratiques médicales ou soignantes à distance utilisant les technologies de l’information et de la communication (…) ». Cet ajout permet donc désormais le recours à la télémédecine pour les activités médicales des services de médecine de prévention.

La télémédecine en santé au travail repose essentiellement sur la pratique de téléconsultations. Celles-ci nécessitent de disposer d’outils de communication pour la consultation à distance du médecin (vidéotransmission) et d’outils informatiques pour l’échange, le partage et le stockage des données.

L’ARIMS a mis en place depuis octobre 2021 des téléconsultations au profit de la Préfecture de l’Aisne et d’un établissement du Ministère de la justice. D’autres administrations et établissements publics viennent progressivement s’ajouter à ces deux premiers bénéficiaires du dispositif. Ce dernier fait appel à un personnel infirmier qui se déplace sur différents sites, muni d’un matériel portable (mallette) permettant d’assurer les consultations en liaison synchrone avec le médecin, qui se trouve sur un autre site que l’agent.

Chaque mallette de télémédecine acquise par l’ARIMS comporte :

  • Une tablette équipée d’un processeur et d’un écran tactile de 31 cm, avec caméra fixe intégrée et connexions Ethernet, Wi-Fi et Bluetooth ;
  • Une caméra mobile (avec autofocus) ;
  • Un stéthoscope électronique ;
  • Un otoscope à fibre optique (avec autofocus).
  • Déroulement d’une téléconsultation :

 L’agent peut remplir au préalable un questionnaire de santé, que le personnel infirmier récupère et joint au dossier médical.

Dans une première partie, l’infirmier(e) interroge l’agent sur le motif de la visite (suivi périodique ou demande spécifique) et rédige une fiche d’observations dans laquelle sont recensés l’état civil, le grade, l’affectation et la situation familiale ainsi que les éventuelles difficultés sur le poste, qui pourraient mériter un approfondissement avec le médecin lors de la vidéotransmission. Ensuite sont répertoriés les antécédents familiaux et personnels, médicaux et chirurgicaux.

Un point est fait sur l’état de santé à la date de la visite, les problèmes et/ou pathologies en cours ainsi que les traitements suivis, et leur éventuel impact sur l’exercice professionnel afin d’évaluer si une éventuelle préconisation ou adaptation de poste pourrait être nécessaire.

Des informations sont recueillies sur l’hygiène de vie (notamment les consommations de tabac et d’alcool, la qualité du sommeil, la pratique sportive) ; un bilan visuel (et éventuellement auditif) est réalisé, ainsi qu’un recensement de l’état des vaccinations.

Un recueil d’éléments cliniques de base (taille, poids, tension artérielle, pouls) précède la vidéotransmission avec le médecin du travail.

Lors de cette vidéotransmission, une synthèse des observations de l’infirmier(e) est présentée au médecin. Une fois celle-ci réalisée, un échange direct a lieu entre le médecin et l’agent, incluant une auscultation à distance effectuée par le personnel infirmier (mais dont les sons recueillis sont transmis directement sur le casque ou le haut-parleur du médecin), et le cas échéant d’autres examens à la demande du médecin.

Ce dernier délivre ensuite ses conclusions et éventuelles préconisations à l’agent.

L’infirmier(e) interroge les agents sur leur satisfaction à l’égard du déroulement de la téléconsultation, leur remet leur fiche de visite en les informant de la prochaine échéance, et les sensibilise sur le fait qu’il leur est toujours possible de solliciter un nouvel examen à tout moment si leur situation le nécessite.

  • Limites de la téléconsultation :

L’échange d’informations entre le médecin de prévention et l’agent peut s’avérer moins fructueux que lors d’une consultation présentielle, en raison du caractère moins naturel de la communication par l’intermédiaire d’une vidéotransmission.

Des difficultés techniques peuvent parfois perturber le bon déroulement de la téléconsultation.

Certaines situations médicales ne peuvent être correctement évaluées sans qu’un examen clinique direct soit réalisé (examen du rachis lombaire et du retentissement fonctionnel en cas de lombosciatique par exemple). C’est pourquoi il est nécessaire que le recours à des consultations présentielles reste possible en cas de besoin.

  •  Avantages attendus :

Les administrations semblent attendre de la mise en place de téléconsultations :

 – une réduction des déplacements (temps et coûts) engendrés par le fait que les agents doivent se rendre auprès du médecin pour leur visite médicale ;

– une réduction de l’absentéisme aux visites médicales, du fait d’une plus grande commodité pour l’agent en termes de déplacements et de temps passé ;

  une augmentation du nombre de visites médicales réalisées par jour ; cependant en médecine de prévention l’entretien de recueil d’informations et la délivrance de conseils constituent l’essentiel d’une visite médicale et ne sont pas plus rapides qu’en consultation présentielle, donc ce mode d’exercice ne permet pas d’augmenter considérablement le nombre d’agents suivis.

Dans l’ensemble, les agents semblent plutôt très satisfaits malgré certaines appréhensions au début de la visite lorsqu’ils ne connaissent pas le principe de la téléconsultation. Une fois qu’ils ont pu expérimenter le dispositif, ils manifestent généralement leur satisfaction sur la qualité de leur prise en charge.